D’Atlanta à Paris sans oublier Montréal ou encore la Grande Bretagne, la musique protéiforme de Blasé, producteur, compositeur et chanteur, balise les coins du globe. Après avoir sorti Bijoux avec Jwles ainsi que « Ice Comfortable » et « Different Mind », les deux premiers singles de son futur album solo, il continue de superposer les différentes casquettes.
Sur la scène du Moulin Rouge à Paris, il sort de l’obscurité des coulisses, son clavier électronique sous le coude comme une extension de son bras. Le crâne jusqu’à la barbe sont impeccablement rasés, l’oeil légèrement effarouché. Blasé y rejoint Jwles et entame progressivement les mélodies douces des synthés qui charpentent leur dernier album commun Bijoux. « Je bosse tout le temps avec Purity, c’est un VST très courant dans plug et que j’ai utilisé sur tous les morceaux pour faire les petites mélodies. Elles sonnent à la fois très modernes et en même temps très nostalgiques. Ça rappelle des tracks de Dance des années 2000 » confie le producteur. Lorsqu’il sont ensemble, dans l’intimité de leur home studio parisien, Jwles n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis, à corriger quelques notes et à « glousser » quand elles le satisfont. Depuis plusieurs années qu’ils collaborent, les deux trentenaires ont développé une entente « quasi télépathique ». En composant « 6 », l’intro du projet, Blasé avoue n’avoir eu que Jwles en tête. Pour ce morceau, il calque par ailleurs sa ligne de basse sur celle de « Around The World » des Daft Punk qu’il qualifie de « diamant de la musique française », les yeux scintillants rien qu’à l’évocation du duo. Sur scène, lorsqu’il pianote sur son clavier, le public devient euphorique comme si ces petites notes possédaient un pouvoir liturgique sur lui. Entouré sur scène de Jwles, son frère Le Lij, Bob Marlich, RimK et les new yorkais du Grynchset, la communion est à son zénith, le moment suspendu au fil du temps.
« L’Américain »
Si la recette concoctée par Blasé fonctionne autant, c’est en partie parce que ses yeux sont braqués outre Atlantique : « Au niveau des prods, j’ai l’impression que c’est les américains qui sont en avance, qui initient les nouvelles tendances » affirme-t-il avec assurance. Les États Unis n’ont plus de secret pour lui, la raison due à une adolescence passé à New York qui lui valait le surnom de « l’Américian » auprès de ses proches restés en France. « J’ai été baigné dans la culture new yorkaise, c’est une ville de fou, tout va à mille à l’heure » se remémore-t-il, la nostalgie coincée dans la gorge et dans la tête. Avec tout le romantisme des belles histoires, la sienne a d’abord commencé avec du Manu Chao dans la voiture. Puis est apparu le vieux saxophone de son père réanimé par le souffle de l’adolescent après des années de sommeil dans une armoire. À 15 ans, grâce au panache de la jeunesse, il envoie quelques morceaux électro qu’il a produit sur l’ordinateur de famille à un label Français. Coup du sort, il signe en édition avec eux.
Galvanisé, il décide quelques années plus tard de publier une annonce Facebook pour collaborer avec d’autres artistes, comme une bouteille jetée à la mer. Elle est finalement réceptionnée par Anna Majidson qui par le plus heureux des hasards se trouve étudier dans la même université que le jeune homme à Montréal. Plus improbable encore, les deux vivent dans la même rue et pourtant ne se rencontreront que quelques mois plus tard alors qu’ils passent leurs vacances d’été en France. C’est ainsi qu’ils forment le duo Haute : « On a fait notre premier morceau avant de se voir en vrai » précise-t-il. Mais toutes les belles choses ont une fin et cette idylle n’échappe pas à l’adage. Le duo se sépare mais Blasé, les yeux dans le rétroviseur ne regrette pas une seule seconde de ce chapitre : « Pendant des années, c’était uniquement Anna la chanteuse. J’osais même pas imaginer me mettre à chanter. Et un jour j’ai enregistré ma voix et ça a donné « Shut Me Down », notre plus gros titre ». Paradoxalement, ce morceau sera leur chant du cygne. Malgré un Colors qui cumule aujourd’hui’hui 30 millions de vues, les deux protagonistes décident emprunter un chemin différent, celui de Blasé le ramenant à la production.
« J’ai de plus en plus envie de sonner comme un groupe »
De Rowjay à Jwles (le premier rencontré à Montréal, le deuxième lors d’un concert qu’il avait organisé au Nouveau Casino) Blasé bâtit dans l’ombre un son unique reconnaissable à la simple ouÏe de son tag devenu iconique « Damn Blasé cook that shit up ». « C’est Doobie Rockstar, un rappeur d’Atlanta présent sur la mixtape Spin The Globe, qui a eu l’idée. On faisait du son dans un Airbnb et il m’a demandé si j’avais un tag. Comme j’en avais pas il l’a enregistré pour moi en une prise et c’était dans la boite ». Une signature qui aujourd’hui marque de son sceau tous ses morceaux et qu’il assure ne pas être prêt de changer : « J’ai été blessed par ce tag. Tellement de gens ont commencé à m’identifier grâce à lui ».
Mais Blasé aime jouer avec le feu. Alors qu’il commence à se trouver une place bien confortable, il fait table rase et se lance un nouveau défi. En 2023, il sort « pourquoi Blasé » où il renoue avec le chant, non sans une once d’appréhension : « Il y avait un peu de tract mais heureusement il y avait plus d’excitation ». Dans la description d’un des morceaux « mélodies », on peut y voir inscrit « I wanted to make a band music but with only my guitar and computer ». Même s’il regrette de ne pas avoir encore trouvé de batteur et de devoir se contenter des presets de son ordinateurs, il est désormais accompagné par un bassiste et un guitariste, secouant ainsi la mémoire de ses années lycée où il jouait avec ses potes après les cours. Blasé re goûte non sans déléectation le plaisir de jouer à plusieurs sur scène : « Maintenant quand je fais un concert on est trois sur scène. J’ai de plus en plus envie de sonner comme un groupe mais en monter un c’est trop de compromis. Et les compromis j’aime pas ça (rires). » C’est en refouillant dans les vieux bacs à disques qu’il s’est remis à écouter The Cure ou The Stranglers, déclic pour son dernier single en date « Different Minds » pur produit de New Wave britannique « Les groupes anglais sont une énorme influence. Ça me fait reconnecter avec une partie de moi, de mon enfance ou de mon identité que j’avais pas vraiment exploitée ». Toutefois, il l’assure, l’album « sera un mélange de différents styles ». Le rendez vous est donné.
Par Victor.
(Crédit visuel bannière : _raph_lopez1)