Pour débuter 2025, les rédacteurs et rédactrices de Gather vous proposent un bilan de leur année 2024. Tout au long du mois de janvier, les bilans respectifs de chacun de ses membres seront mis à jour sur le site et sur le compte Instagram de Gather.
BILAN 2024 (8/11) : L’ANNÉE D’EMILIE.
Rares sont les moments où j’ai autant eu l’impression de me faire avoir par la vie que cette année. Musicalement c’était pareil: les déceptions se sont enchaînées venant d’artistes inattendus. Kendrick Lamar, FKA Twigs, Charli XCX,… J’ai autant détesté ces sorties que l’engouement autour: tourbillon de tendances, hédonisme infernal, beef autour de lyrics creux,… Au-delà d’avoir été peu voir pas enchantée par de nombreuses sorties, je me suis également sentie peu concernée par celles-ci.
Ceci dit, ce dans quoi j’ai plongé ces douze mois a été d’une saveur enveloppante. L’évolution des scènes électroniques égyptiennes est fascinante et pouvoir assister à leur floraison de tout près est une joie. Je n’avais pas ressenti un tel engouement pour une pop star de l’ampleur de TUL8TE depuis une éternité. L’underground libanais s’épanouit de plus en plus, atteignant un pic avec les sorties de Mayssa Jallad et sandy chamoun dont la poésie est bouleversante. Impossible d’ailleurs de se lasser des sorties de rap de Palestine, de Jordanie et d’Egypte avec, entre autres, l’apparition du mystérieux DJ Gawad à qui l’on doit “Volume 1”. Excellent album d’un sarcasme à se plier de rire et présentant un beau panel d’artistes de la région. J’y ai trouvé un refuge du rap francophone et anglophone duquel j’ai décroché pour la première fois, à l’exception des solides Triplego, Sameer Ahmad, Mach-Hommy et la brillante Doechii.
2024 se résume finalement à cette vidéo, devenue un meme, d’un libanais constatant la tout juste destruction de son son immeuble par un bombardement israélien, interrogé sur la supposée présence d’explosifs cachés qui répond face caméra: “ne cherche pas, c’est moi la bombe”. 2024 c’est cet humour noir levantin qui ne cessera de m’impressioner et de mettre en lumière l’ambivalence inconfortable entre le “je m’en foutisme” qui nous mènera à notre perte et la sensibilité, la colère et l’aigreur qui nous mèneront aussi à notre perte, mais sûrement avec plus d’humanité.
L’Album: SHABJDEED, AL NATHER – SULTAN
2024 signe le retour d’un des duo de rap palestinien les plus marquants. Alors que Shabjdeed se fait le sultan sous égotrip de l’univers unique d’Al Nather, le binôme passe par la musique martiale russe, classiques égyptiens et esthétique visuelle tirée de l’empire ottoman.
L’Artiste: TUL8TE
Outre le fait qu’il ait publié trois excellents albums dont une version live impressionnante, Tul8te représente à lui seul une nouvelle ère de la musique pop en Égypte. La proposition est une fusion rap, pop, r&b et bossa nova au travers d’une DA mythique faisant hommage aux années 90 égyptiennes.
Le morceau: THEODORA – KONGOLESE SOUS BBL
Suite à plusieurs écoutes mitigées, je me suis finalement faite aspirer par le phénomène Theodora. Impossible d’y échapper par son charisme, son énergie vive et son assurance. Publié il y a seulement deux mois, c’est sans aucun doute mon morceau de l’année, devenu ma routine matinale.
La découverte : MEHDI BLACK WIND – ZEFT
ZEFT représente tout ce que j’aime dans un album de rap: des productions boom-bap et jazz, des lyrics marquées par un seum immense et un flow entre indifférence et dégoût. Le tout réalisé à merveille par le rappeur Marocain-Marseillais dont je recommanderai fortement le reste de sa discographie.
La redécouverte : MARVIN GAYE – LET’S GET IT ON
J’ignore pourquoi cet album est revenu en force dans mes écoutes cette année avec une obsession précise pour “Just To Keep You Satisfied”. De loin une des plus belles déclarations d’amour mises en musique de toute époque confondue.
Le son confort : SEXYY RED – GET IT SEXYY
Sexyy Red est d’une efficacité inégalable dans sa capacité à motiver. Indépendamment de ses penchants politiques angoissants, la rappeuse sonne comme un réveil mental: dès qu’elle prononce les mots “Slim thick, caramel skin” je ressens le besoin urgent de me lever et hurler la suite.
Par Emilie.
Illustration : Paul Rousselet.