À LA RECHERCHE D’UN PEU DE CALME

Pour débuter 2025, les rédacteurs et rédactrices de Gather vous proposent un bilan de leur année 2024. Tout au long du mois de janvier, les bilans respectifs de chacun de ses membres seront mis à jour sur le site et sur le compte Instagram de Gather. 

BILAN 2024 (7/11) : L’ANNÉE DE VICTOR.

« Cette année j’ai décidé de lever un peu le pied. J’ai bien essayé de m’accrocher au rythme des sorties comme une moule à son rocher mais je ne m’en suis retrouvé qu’encore plus à court de souffle. Pour que je lance un projet, il fallait que ma curiosité soit franchement aguichée ou que le hasard se joue de me faire parvenir un peu de nouveauté. Et attention c’est arrivé bien plus de fois que le ton laisse entendre. J’ai passé le plus clair de mon temps à fuir l’effervescence, à la recherche d’un calme qui semble m’avoir bien convenu à la fin. Est-ce donc une lassitude personnelle ou qui m’a été imposée par ce qu’a produit cette année, je laisse les autres en juger.

Alors cette année 2024 de musique, j’aurais bien du mal à l’analyser tant je l’ai en grande partie survolé pour me réfugier dans les années et les décennies qui l’ont précédé. Le confort de la nostalgie, un peu, et l’aventure de l’inconnu, beaucoup. Il est évidemment plus facile de se bercer dans l’illusion d’un passé idéalisé. Le temps a fait son lent processus de filtrage pour n’en retirer qu’un sentiment de béatitude devenu nécessaire face à la morosité de notre époque. Je retiendrai néanmoins le moment où Earl Sweatshirt a joué « My Brother The Wind », Mike en concert à Bruxelles, moins quand Veeze a daigné offrir plus de 15 minutes de live comme une infiniment courte parenthèse que ma mémoire a tendance à effacer.

Puisque dans les années qui se dressent devant nous, nous retiendront de 2024 surtout que le génocide des palestiniens par Israël, l’un des pires de notre siècle, a pu continuer son déroulement effroyable dans un silence consternant et létal ; que les mers qui encerclent une France qui ne fait que renforcer les murailles de sa forteresse sont devenues des sanctuaires. On s’en résout tristement à la clairvoyance implacable de Lunatic et Malekal Morte, 25 ans plus tôt : «  Moi c’que j’vois c’est un monde de barges où les 3/4 se font khagar ». 2024 laisse donc un goût amer sur la langue et un monde en désordre qui ne donne qu’envie de l’oublier très vite. Le calme est devenue un luxe dans un chaos ou ne s’ajoute qu’encore plus de chaos. Et même si on attend plus grand chose de 2025, la passivité et renoncement sont des luxes que nous ne pouvons nous permettre par respect pour la dignité de ceux qui ont appris à survivre car vivre est devenu impossible. L’espoir reste trop précieux et doit nous guider encore et toujours inexorablement pour la libération des peuples opprimés à travers le monde.« 

L’ALBUM
SIDESHOW – F.U.N. T.O.Y.

Chaque année, une sortie marque mon esprit au fer rouge pour y laisser une trace indélébile. Depuis 2 ans, ce sont les projets de Sideshow qui me font cet effet. Alors quand vient la cérémonie annuelle du bilan je préfère me résoudre à l’évidence plutôt que de me torturer pour arriver au même résultat.

L’ARTISTE
SAHBABII 

L’hubris de Sahbabii atteint des niveaux ahurissants. Son excès de fétichisme, goujaterie et grotesque finit par les désamorcer complètement . Son burlesque irrigue des haïkus qui souillent tout ce qu’ils évoquent. Pourtant on développe un plaisir coupable à l’entendre réciter ses revisites farfelues du Kamasutra.

LE MORCEAU
AP ANT & PACO PANAMA – OLD MONEY

Une collaboration entre A$ap Ant et Paco Panama est presque la caricature de ce qui compose mon top Spotify depuis 2-3 ans. Il arrive d’ailleurs en première position selon l’algorithme de ce dernier. Il coule de source qu’il trouve une place bien au chaud au sein de mon bilan.

LA DECOUVERTE : UN PROJET
ZUKENEE – ST SLAY

Si j’avais su qu’un jour je trouverais des capillarités entre Atlanta des années 2000 et des chevaliers du Moyen Âge j’aurais refusé de le croire. Des influences pleines de swag et de brailles codéinées en bandoulière, Zukenee recrache les fantômes enfouis dans ses entrailles de Soulja Boy et de Gucci Mane.

LA REDECOUVERTE : UN ARTISTE
MAX B

Un océan nous sépare de New York : l’Atlantique. On y raconte que seul un jeune originaire d’Harlem parvenait à surmonter la puissance de ses vagues sans s’y briser. Max B manque cruellement au rap et comme chaque année quand je me rends à la mer l’été, je me rejoue aléatoirement la musique de celui qui la domptait fut un temps.

UN MORCEAU CONFORT
NAVY BLUE – LA NOCHE

Dans une époque rythmée par l’angoisse et le chaos, le sentiment d’ataraxie est devenu aussi rare que vitale, en vérité une quête permanente. La musique de Navy Blue est ce que j’ai trouvé de mieux comme remède. La Noche a été ma berceuse pour trouver le sommeil comme il a été les oeillères pour retrouver un peu de calme.

BONUS : UN ARTISTE
AL JOHNSON

Rare sont les artistes dans lesquels j’ai retrouvé la sensualité et le bagou de Marvin Gaye. Bien évidemment on ne touche pas au sacré mais Al Johnson, bien trop méconnu et dont les années ont partiellement décidé de filtrer des mémoires de la soul fait partie de mes meilleures découvertes cette année. Alors comme il s’agit à l’origine d’une recommandation, je propage de nouveau.

TOP 10 ALBUMS  : 

LOE SHIMMY – ZOMBIELAND 2.6 [RAP US]
454 – CAST OF A DREAMER [RAP US]
SIDESHOW – F.U.N. T.O.Y. [RAP US]
ZUKENEE – ST SLAY [RAP US]
NAVY BLUE – MEMOIRS IN ARMOUR [R&B US]
SAHBABII – SAAHEEM [RAP US]
PACO PANAMA & COLCAINE – SORRY 4 THE DROP [RAP US] 
LOS & NUTTY – LOSXNUTTY [RAP US]
BOB MARLICH – LES POINT SUR L’HAŸ [RAP FR]
GIP – G’S IN PARIS [RAP US & FR]

Par Victor.

Illustration : Paul Rousselet.

Suivez Gather sur Instagram et Twitter.

Laisser un commentaire