OLD SCHOOL, NEW SCHOOL, J’M’EN BATS LES STEAKS

Pour débuter 2025, les rédacteurs et rédactrices de Gather vous proposent un bilan de leur année 2024. Tout au long du mois de janvier, les bilans respectifs de chacun de ses membres seront mis à jour sur le site et sur le compte Instagram de Gather. 

BILAN 2024 (3/11) : L’ANNÉE DE PAUL.

2024 a été l’année de mes 28 ans. Ma vie est donc presque déjà derrière moi : je ne suis plus le ‘petit jeune’ au boulot, je questionne régulièrement mes potes tout juste vingtenaires sur le bon comportement à adopter et les tentatives de jeunisme de mes connaissances les plus âgées me sortent par les yeux. 

Dans cette grande débâcle personnelle, un besoin de se trouver de nouveaux rôles modèles apparaît comme une nécessité. En ce sens, je me dois de rendre un hommage sincère à nos anciens sous plafond de verre qui continuent de cultiver leur petit jardin dans l’underground du rap français. Ces artistes qui, à défaut d’avoir pu s’acheter une voiture de sport rouge avec l’argent de leur rap ou de se prendre pour Edward Snowden sous 0.9 sur Twitter, ont préféré canaliser leur crise de la quarantaine en studio pour mon plus grand bonheur. « La vie est bien faite » de Sameer Ahmad, « Château » de Butter Bullets et « Localisable » de Zek ont donc rythmé tour à tour mon année, abandonnant à leur manière certains réflexes de sur-esthétisation pour proposer des projets étonnement frais, puisqu’affranchis. 

C’est le son de quadras qui foulent le stade municipal de leur jeunesse et qui se rendent bien compte que même avec une hygiène de vie irréprochable et un entraînement intensif, ils ne battront jamais au 100m ce petit jeune de 18 ans qui s’est cuité la veille. Mais de toute façon, ça a plus tellement l’air de les intéresser. Eux, ils sont là pour le beau geste et le goût de l’effort. Et puis ils savent très bien que si ça se trouve, le petit jeune dans 20 ans, ce sera ce genre de daron bedonnant qui reste la queue à l’air pendant ses discussions de vestiaire à la sortie de la douche. Eux au moins ils ont échappé à ça, et c’est déjà vachement bien !

« Rester cool aux alentours de quarante ans, c’est sûrement ne plus essayer de l’être ». Vous retrouvez ce genre de citation rincée en couverture de GQ. Sameer, Zek et Sidisid, eux n’y seront sûrement jamais mais restent pour moi l’expression d’un espoir : celui qu’être cool à quarante balais même sans avoir tout explosé à vingt, c’est possible.

L’ALBUM
BUTTER BULLETS – CHÂTEAU

L’art de la punchline est difficile : allez-y comme un bourrin vous serez vu comme Bigard, mettez trop de formes et tout tombera à l’eau. Sur le fil du rasoir à l’équilibre se trouve le couplet de Famille Nombreuse sur Château : « Je suis beau, tu es moche comme ça c’est dit / J’peux pas y croire qu’ils ont déjà baisé des meufs les deux gars de Tragédie ». 

L’ARTISTE
SAMEER AHMAD ET ZEK

De Rohff à Ademo en passant par Alpha 5.20, le verbe « croiver » est le plus beau néologisme qu’a offert le rap français à son pays. En plus de se partager le micro sur « Le Peignoir » Zek et Sameer assument dans leurs derniers EPs respectifs sa réintroduction assumée : entre tradition et modernité. 

LE MORCEAU
CMILLANO – DAGGER

Il y a de ces morceaux avec qui on entre en résonnance dès la première écoute, sans pour autant réussir à définir pourquoi. Dagger a été l’un de ceux-là. Le rappeur du collectif britannique Escape Plan tisse ici le morceau signature de ce que j’aimerais que soit la bande-originale du biopic de mon année 2024.

LA DECOUVERTE : UN PROJET
MOIN – YOU NEVER END

Cover mal cadrée, nom à la prononciation inconnue et style difficilement descriptible, Moin fait partie de ces recommandations intempestives qui peuplent le groupe de discussion de Gather dont je n’aurais jamais parié cliquer dessus. Amateurs d’ambiances brutalistes mais éthérées foncez, la proposition en vaut le détour.

UNE REDÉCOUVERTE : UN PROJET
NIRO – SI JE ME SOUVIENS

Le top 3 des albums de Niro est agréablement débatable tant le choix est large et plausible. Saignez un de ces albums jusqu’à épuisement et il vous restera 10 autres projets à poncer avant de recommencer. Cette année, « Naïf » et « Si je me souviens » m’ont fait replonger dans l’album éponyme.

UN ALBUM CONFORT
ELLIOT SMITH – FIGURE 8

Quand Lacrim ne fait plus effet dans mes écouteurs Elliot Smith prend le relais depuis maintenant plusieurs années. « L’inverse de Lacrim » serait d’ailleurs une manière efficace de le décrire à ceux qui ne connaissent pas sa musique éthérée, cohérente et librement faillible. Bref, un joli cocktail pour affronter ces jours gris.

BONUS : UNE BANDE-DESSINÉE
PATIENCE – DANIEL CLOWES

Errant dans les rayons de la médiathèque en pleine période de chômage j’ai emprunté sur un coup de tête la bande-dessinée référence de Daniel Clowes sans rien connaître du statut de son auteur. Écriture incisive, dialogues assassins et dessin détonnant avec le ton de son synopsis, Patience est un véritable petit bijou narratif.  


BONUS : UN FILM
HAPPINESS – TOD SOLONDZ

Lorsque l’inspiration me manque pour choisir un film un samedi soir sans ambition, ma technique la plus efficace consiste à piocher au hasard dans la filmographie de Philip Seymour Hoffman. Fresque tragicomique, Happiness a été une tarte considérable en guise d’ouverture sur le travail de Tod Solondz.

 

LES AUTRES PROJETS MARQUANTS  : 

BIGXTHAPLUG – TAKE CARE [RAP US]

BLU & EXILE – LOVE (THE) OMINOUS WORLD [RAP US]

CARSON – BIEN JOUÉ CARSON [RAP FR]

JUNGLE JACK – JUNGLE DES ILLUSIONS VOL 2 [RAP FR]

HUNTRILL – NOUVELLE TRAP 2 [RAP FR]

IGO – TRIBULATION [RAP FR]

FREDDIE GIBBS – YOU ONLY DIE 1NCE [RAP US]

LESRAM – DU PEU QUE J’AI EU, DU MIEUX QUE J’AI PU [RAP FR]

NOBODYLIKESBIRDIE – THE BIRDIE TALE II: RESERVOIR’S DAWGZ [RAP FR]

SCHOOLBOY Q – BLUE LIPS [RAP US]

Par Paul.

Illustration : Paul Rousselet.

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