CRÈME DE LA CRÈME – TOP 15 GUCCI MANE

« « Mirror mirror mirror/ Whos the realest in the game ?/ Why you ask that stupid question boy ?/ You know that’s Gucci Mane »

Entre ses beefs légendaires, sa collection de diamants assortis aux couleurs de ses voitures sportives et ses interventions lunaires névrosées par le jus pourpre et la weed, l’histoire lui a vraisemblablement donné raison. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, souvent pour les mêmes raisons, nier son influence relèverait du blasphème. Beaucoup de ceux qui n’ont pas connu le rappeur au pic de sa carrière ont apprécié Gucci Mane pour ses interviews déjantées et ses coups de folies cultes avant même d’écouter sa musique. Fruit de tous les péchés et de la décadence, le rappeur est une telle relique de la pop culture qu’on en oublierait parfois que derrière son aura se cache une centaine de mixtapes, pour 10 fois plus de morceaux. Une abondance démesurée qui a provoqué une amnésie quasi collective sur sa discographie monstrueuse.

Quelle ironie lorsque vous êtes surnommés le « Trap God » et que l’on se remémore vos meilleurs projets par leurs covers farfelues et vos meilleurs morceaux seulement par quelques phrases salaces. Finalement, ce sont les artistes que Gucci a lancé qui ont hérité de toutes les louanges, tandis que lui est le grand absent des chansons de geste. Il est un peu le sucre et la farine dans les gâteaux : négligé, mais à la fondation de presque tout. Pourtant, que seraient Future, Young Thug, les Migos et Waka Flocka, pour ne citer qu’eux, sans le coup de pouce de Laflare ? Que ce soit via ses labels ou ses projets collaboratifs avec ceux qui finiront par devenir les meilleurs trappeurs de leur génération, l’ombre de Guwop plane encore et toujours.

Revenir sur la carrière de Mr Zone 6 (le district d’Atlanta où Gucci a grandi) est déjà une tâche laborieuse, en faire un classement des quinze meilleurs morceaux la rend gigantesque. Il existe sans doute autant de tops qu’il y a d’amateurs du rappeur. Celui-ci n’échappera donc pas à la règle de la subjectivité la plus totale, soyons transparents. D’autant que la majorité des œuvres de l’artiste ont été pour ma part découvertes à posteriori, ce qui au moins m’évitera le biais de la nostalgie. Ce top de néophyte sera donc un moyen de se replonger, pour les plus anciens, et de s’engouffrer pour les nouveaux, dans une capsule temporelle incontournable du rap : une période dans laquelle Gucci fait des allers-retours en prison, porte d’énormes chaînes dont les maillons tombent jusqu’au nombril, vend de la blanche, et traine un corps ventreux et un visage boursouflé par sa consommation abusive de sirop, tout ça sur fond de freestyles enregistrés en une prise et de braillements de DJ. 

(crédit : @O1110110.01101001.01101111 & gribouille2969)

15 – «Street N***a » – Chicken Talk (2006) 

Production : Zaytoven    

En 2006, Gucci Mane a un pied dans la musique et l’autre toujours enlisé dans le crime. Quand il se réveille la gueule encore enfarinée, il enfile sa chaîne Bart Simpson et enrichit ses deux poignets d’énormes Rolex. Dans la cuisine, une épaisse vapeur règne au-dessus des plaques de cuisson. D’énormes casseroles y trônent dans lesquels une mixture à base de bicarbonate de soude bout. Sur la table repose un énorme tas de cocaïne, comme le sommet d’une montagne enneigée qui n’attend qu’à être compartimentée en petits sachets. Gucci commence à se faire un nom dans le sud mais il reste dans l’ombre de T.I. et Young Jeezy. Pour des histoires de droits sur le morceau « So Icy » il s’est d’ailleurs embrouillé avec ce dernier, qui était allé jusqu’à lui mettre un contrat sur la tête, coûtant presque la vie à Guwop. À l’inverse de l’image de dur à cuir qu’entretiennent les deux autres, lui apparait plus comme un dealer complètement barge.

Au milieu d’une station d’essence, entouré d’OJ Da Juiceman et Wooh Da Kid, Gucci gesticule dans tous les sens. Épousant la folie du rappeur, les synthés jouent des mélodies badines. Lui ne se prend pas tellement au sérieux. Il se tourne même en dérision quand il avoue vendre des briques de blanche à un prix défiant toute concurrence uniquement dans le but d’acheter des voitures de sport et de séduire la gente féminine. Chicken Talk, qui en argot désigne une discussion qui n’a aucun sens, résume exactement ce que fait Gucci. Il déballe ses idioties et absurdités, le tout donnant lieu à un plaisir rudement coupable. 

Phrase marquante : « Bought a drop top Vette and a super bad bitch/ « How much you think you worth ? »/ Bout 95 bricks »

14 – « Mouth Full Of Golds » feat Birdman The Return Of Mr Zone 6 (2011) 

Production : Drumma Boy    

À cette époque, pour Gucci Mane, les séjours en prison s’accumulent en plus d’un passage en hôpital psychiatrique. Il n’est qu’une version diminuée de lui-même, comme une pièce d’argent rouillée. Il revient alors avec The Return Of Mr Zone 6, le visage toujours aussi joufflu mais cette fois grimé d’un tatouage en forme de cône de glaces signé de son célèbre Brrr. Certains y voient une référence à Master P, d’autres le naufrage de Gucci dans la folie. C’est sans doute un peu des deux. Malgré des chants autotunés qui peinent à dissimuler les défauts de sa voix et des chansons d’amour niaises qui n’ont définitivement pas passé l’épreuve du temps, se dissimulent des morceaux qui témoignent de son talent immuable : «Pancakes» avec les couplets exceptionnels de Waka Flocka et 8Ball, «Shout Out To My Set», et surtout «Mouth Full Of Gold» avec Birdman.

Pour Gucci, une collaboration avec le boss de Cash Money Record signifie beaucoup. Quand il était adolescent, son grand frère lui faisait écouter les dernières mixtapes des Hot Boys et des Big Tymers (duo composé de Mannie Fresh et Birdman). Beaucoup de points communs les rassemblent d’ailleurs les deux hommes. Ils sont amateurs de pierres précieuses et ont chacun une collection de grillz et de VVS qui ferait pâlir les plus cousus d’or des pharaons. Quand ils sourissent, on a l’impression de voir une tablette de chocolat dans son emballage doré. Dans «Mouth Full Of Gold», ils ruminent donc sur leur passion commune. Ajoutons à cela Drumma Boy, qui leur concocte le genre de production qui fait trembler les murs au point de les fissurer. Des cuivres épiques, un lead de synthé apocalyptique, des incrustations d’explosions sur fond vert, une gimmick toute trouvée pour le refrain ( « Rich ass n***a with a mouth full of gold ») : il n’en faut pas plus pour marquer les esprits.

Phrase marquante : « Put a 100k in my grillz shawty/That’s the way that I feel shawty/ Ice cream on my face and chain/ Cause that’s the life I live shawty »

13 – « Gas & Mud » – Trap God (2012) 

Production : C4 Bombs & Dj Spinz    

À l’arrière de son 4X4 Rolls Royce, Guwop est avachi, les yeux injectés de sang. Il sirote à grandes goulées sa bouteille verte translucide de Sprite trafiquée avec du sirop contre la toux. Complètement sous substance, il sourit comme un gosse et étale ses billets sur son ventre plus gonflé que jamais. Gucci Mane semble s’être empêtré dans une énorme flaque de « boue » (argot pour codéine) tant son articulation est feignante et sa gestuelle indolente. D’ailleurs, c’est à cette même époque qu’il tourne dans Spring Breakers d’Harmony Korine, et des rumeurs circulent comme quoi il s’était assoupi durant une scène de sexe tellement il était défoncé.

En braillant, les cordes vocales asséchées par la boisson et la fumette, le natif de Zone 6 revient donc avec Trap God en 2012. Il y signe un retour aux racines, aux piques envoyées à Jeezy, allant jusqu’à l’outrance. « Gas & Mud » fait écho à des morceaux comme « Swing My Door », autre morceau culte de Chicken Talk, où il raconte vouloir servir le maximum de junkies alors que lui-même se défonce à longueur de journée. Il arbore sa bouteille de soda comme s’il se pavanait avec sa Rolex. Après une année difficile et des embrouilles internes au sein du label, notamment Frenchie qui l’accuse de tremper dans la mort de son ami et rappeur Slim Dunkin, le royaume de Gucci Mane semble plus ébranlé que jamais. Les harmonies lugubres de « Gas & Mud » sont pour Guwop une manière de balayer les doutes : le roi, ou plutôt le dieu de la trap, est bien de retour.

Phrase marquante : « Im the boss and ain’t taking no losses/ Smoking gas and I’m sipping on poison/Pull the arm and Imma hit my target/ Caught a body but I beat my charges »

12 – « Dope Boys » – The Burrprint (The Movie 3D)  (2009) 

Production : Shawty Redd  

Quand un morceau de Gucci Mane commence par les beuglements de DJ Drama et des phrases du type « All Nas need is one mic, all I need is one stove/ Homie got a nice flow but Gucci got that white coke », le classique est quasi instantané. À l’image de l’ensemble de Burrprint (The Movie 3D), « Dope Boys » est un florilège de phrases et de situations toutes plus comiques les unes que les autres. Sur une production sinistre aux allures de BO de films d’Halloween de mauvaise facture, Guwop fait la démonstration de tous les flows qu’il a en stock. Il ne dit pas grand chose de plus intéressant que d’habitude, mais fera marrer n’importe qui de par ses âneries. Il affine néanmoins son humour et son cynisme quand il dit que son ventre est tellement gonflé qu’il ne voit plus ses pieds.

Sur Burrprint, Guwop maitrise désormais à merveille les refrains. Celui de « Dope Boys » se classe parmi les meilleurs. Sur cette année 2009, durant laquelle Gucci aura passé au total 4 mois en captivité et en parallèle avait signé chez Warner, il trouve quand même le temps pour sortir la meilleure musique de sa carrière, « Dope Boys » n’en étant qu’un échantillon.

Phrase marquante : « Mirror mirror mirror/ Who’s the realest in the game ?/ Why you ask that stupid question boy ?/ You know that’s Gucci Mane »

11 – « Bricks » feat Yo Gotti & Yung RalphMr Perfect (2008) 

Production : Zaytoven    

Gucci Mane est un immense fan du rap de Memphis, que ce soit sa collaboration avec Drumma Boy, originaire de la ville qui borde le Mississippi, ou son amour indéfectible pour les ritournelles de Project Pat qui vous collent à la tête. Alors quand il collabore avec Yo Gotti, la boucle est bouclée, ce dernier s’étant imposé comme un ponte du rap sudiste grâce à des projets comme Cocaine Music. Sur des synthés Casio qui font hocher la tête mécaniquement, le thème est déjà tout trouvé : la vente de cocaïne.

Dans un café paumé d’Atlanta, Gucci recompte les coupures qu’une jeune femme qui n’est autre que Nicki Minaj lui apporte dans un sac en papier kraft. Avec les bénéfices, il s’imagine déjà acheter de nouvelles bagues dont les diamants ressemblent à des cristaux de sel empilés. Dans le clip, il se parade avec son énorme chaine d’au moins 30 centimètres de diamètre « So Icy Ent » en référence au nom de son label. Les trois rappeurs ont empilé tellement de paquets de cocaïne, littéralement des briques de drogue, qu’ils pourraient construire une maison avec. Gucci mijote tellement de drogue sur ses fourneaux que la vapeur qui s’en échappe s’est transformée en un vent glacial refroidissant tout l’est d’Atlanta. Finalement Guwop le résume parfaitement : il fait des hits mais vend toujours des briques. Il se demande juste lesquels lui rapporteront le plus d’oseille.

Phrase marquante : « And after this flip, I’m quiting the trap cold-turkey/ Sike, the pack in and I’m working »

(crédit : @O1110110.01101001.01101111 & gribouille2969)

10 – « Heavy » – The State vs Radric Davis (2009) 

Production : Shawty Redd    

Moins de deux mois après la sortie de The Burrprint (The Movie 3D), Gucci Mane se retrouve de nouveau à croupir dans une cellule en combinaison orange. On le retrouve dans ce même accoutrement carcéral sur la pochette du projet. Guwop, habitué aux déboires judiciaires (« And I just got out of jail, yeah they tried to Mickael Vick me/ I gave my lawyer half a mil and told him  »come and get me » »), doit sans doute dépenser autant en bijoux qu’en frais d’avocat. Plus sérieusement, la production est un enrobage bien corpulent de synthétiseurs syncopés, de leads qui sonnent comme s’ils avaient été enregistrés sous l’eau et des cloches d’église s’écrasant contre un mur. Le motif de drums oscille de façon chaotique entre rolls de snares et de hi-hats toutes les deux secondes.

Une composition chargée comme la poitrine fortunée de Gucci, où se superposent ses chaînes les plus imposantes, à tel point que les diamants de toutes les couleurs (jaunes, bleus, oranges et verts) forment une sorte de salade de fruits en VVS. Toujours une liasse à la main, le rappeur dédie un morceau entier aux plus belles chaînes de sa bijouterie personnelle. Il admet même qu’elles sont si lourdes qu’elles lui font un mal de chien et mettent à vif la peau de sa nuque. « Heavy » est un concentré d’égo trip jubilatoire de la part de l’homme aux milles surnoms.

Phrase marquante : « Imma need some toilet paper, I’m the shit on East Atlanta »

9 – « Long Money » – Mr Zone 6 (2010) 

Production : Zaytoven    

Fin 2009, Gucci est condamné à 12 mois de prison ferme (il n’en fera que 6) pour violation des conditions de sa probation. Retour donc dans sa résidence secondaire : la cellule. Entre temps il sort The State vs Radric Davis et The Burrprint 2, où on le voit sur la cover affaissé en train de manger un homard gigantesque derrière les barreaux. C’est néanmoins avec Mr Zone 6, « hosté » par l’infatigable DJ Drama, qu’il célèbre sa liberté retrouvée.

Le retour se fait de manière épique, introduit en grande pompe avec des instrumentales martelées par des synthés cheap, sorti tout droit des loopkit déjà poncé de Zaytoven, et l’humour graveleux que le bagne ne lui a pas subtilisé. Les arrangements des cuivres et la complexité des textures électroniques montrent toutefois un changement dans sa musique. Gucci Mane parait beaucoup plus introspectif sur sa carrière, allant jusqu’à remercier le seigneur de pouvoir se réveiller tout les matins. Vu son train de vie et ses embrouilles, ça tombe sous le sens. Cela ne l’arrête quand même pas de parler des jantes jaunes de sa Ferrari et de l’épaisseur de ses liasses sur fond de cliquetis de machine à billet. On ne change pas un homme, surtout quand il s’appelle Radric Davis.

Phrase marquante : « Cocaine put me in position, swagger brought me all the fame »

8 – « Frowney Face »- The Burrprint (The Movie 3D) (2009) 

Production : Zaytoven    

Bien que Guwop ait sorti des mixtapes à un rythme stakhanoviste tout le long de sa carrière, 2009 restera l’année la plus remarquable en terme de rapport productivité/qualité. Parmi elles, The Burrprint (3D Movie) s’inscrit parmi ses meilleures, pouvant s’asseoir sans aucun doute avec les Chicken Talk, EA SportsCenter et compagnie. Ses mélodies chiptune évoquent des sons puisés directement depuis une Game Cube et cristallise la mosaïque sonore sur laquelle le rappeur de Zone 6 excelle le plus.

Tout le morceau tourne autour de son expédition vengeresse après qu’un de ses potes se soit fait arnaqué par un dealer qui lui a refourgué de la « bouffe de lapin » au lieu de la weed. Dans cette paranoïa saturée de drogues dures, Gucci digresse sur son autosuffisance bien avant sa signature en label. Bref, il assure que même sans la musique, il trouverait toujours un moyen d’enrichir les poches de ses jeans et d’ornementer ses phalanges et poignets. Il en place aussi une pour Young Jeezy et Def Jam et réanime leur embrouille malgré une accalmie un an plus tôt. Pour Gucci, il ne peut y avoir qu’un seul maitre dans le Dirty South.

Phrase marquante : « Two tear drops under my eye/ Because I wish some days I could cry/ But I lose my self-respect/ My nigga I would rather die. Gucci ! »

7 – « Wasted » feat Plies The State vs Radric Davis (2009) 

Production : FATBOI    

« Wasted » est un peu l’immersion de Gucci Mane et Plies en week-end d’intégration d’une école de commerce. L’entrée de Plies est particulièrement savoureuse : « I dont wear tight jeans like the white boy/ But I like to get wasted like them white boys ». Les deux rappeur gobent des pilules d’extasy comme si c’étaient des petits fours et enchainent les doubles gobelets au bord de la piscine. Mais c’est dans un océan de lean et d’alcool qu’ils se noient. Titubant entre les verres vides qui jonchent le sol, les flaques pourpres et les mégots, Gucci Mane se sent comme une rockstar : « Gucci no Hippie, but he stoned like Jimmy ».

Véritable hymne à la débauche, « Wasted » trouve rapidement sa place sur les platines des strip clubs. Au Magic City d’Atlanta, les néons bleus illuminent le corps des danseuses qui se contorsionnent sous une pluie de billets qui volent dans toute la pièce comme les feuilles d’un arbre en automne. D’ailleurs, il ne faut pas négliger l’importance de cette boite de nuit mythique dans la propulsion d’un hit et dans la vie du rappeur, en témoigne les sommes qu’il déverse en carré VIP et bouteilles de champagne et vodka dans « Money On The Floor ». Avec « Wasted»., Gucci fournit la formule parfaitement calibrée pour ceux qui aiment impressionner dans la rue et les clubs.

Phrase marquante : « Whole clique faded/ We geeked up crazy/ Big boy bracelet/ We white boy wasted »

6 – « Point In My Life » – Trap House 3 (2013) 

Production : Zaytoven    

Quand Gucci rappe sur une production planante où les bells et la guitare électrique sonnent presque cloud, la surprise est saisissante. L’articulation est pâteuse, la voix rêche et en souffrance pour atteindre certaines notes, mais le ton est d’une telle sincérité qu’il ferait presque tout oublier. Voir Gucci Mane s’essayer au registre de lover n’est pas nouveau, mais il ne prenait jusque là jamais le sujet au sérieux, rendant sa vie amoureuse et sexuelle vraiment pathétique. Ici, il est vulnérable, la guitare et ses élucubrations sont déchirantes. À chaque fois qu’il répète la gimmick du refrain, son cœur semble se fendre un peu plus.

Le morceau est d’autant plus lourd de sens sachant qu’en 2013, Gucci est plus souffrant que jamais. Sa consommation de drogue le plonge dans les abysses les plus obscures, il devient violent, lunatique et paranoïaque, à l’image de ses interventions sur Twitter où il affirme avoir couché avec Nicki Minaj, insulte toute l’industrie, voire même ses potes et son propre label, Bricksquad. Quelques mois plus tard, il se fait arrêter au volant par des policiers et dans la panique, il ne fait pas attention à la lumière bleue des gyrophares. Il se met à les braquer, craignant un guet-apens quand ils toquent à sa vitre. La suite on la connait : 3 ans de prison ferme et une cure de désintoxication.

Phrase marquante : « Got another girl and she love my boat/ Got another girl love to sell my dope/ Got another girl love to buy me coats/ But they ain’t you babe »

(crédit : @O1110110.01101001.01101111 & gribouille2969)

5 – « Lemonade » – The State vs Radric Davis (2009) 

Production : Bangladesh    

À Las Vegas, une immense Aston Martin fait vrombir son moteur au bord des casinos comme le bruit d’un cortège de chevaux au galop. Dans la voiture, Gucci Mane remplit une énième bouteille de Sprite de codéine, entouré de jeunes femmes magnifiques. Puis il se souvient que le studio de son ami Bangladesh se trouve justement dans le coin. Sans perdre de temps, il rejoint son pote, et lui demande de refaire le genre de productions que tout le monde lui refuse. Naissent alors les pianos chatoyants que l’on connait tous. Mais Gucci Mane est en panne d’inspiration. Il décide de se resservir une nouvelle bouteille verte remplie de potion mais malheureusement, elles sont toutes vides, comme des émeraudes sans valeur. Il a alors l’idée de remplacer le soda par ce qu’il a sous la main : de la limonade.

Il décide alors de se lancer dans un freestyle en mentionnant tout ce qui aurait la couleur jaune de sa mixture : femmes blondes, Aston Martin jaune et diamants canaris. Il passe le reste de l’heure à consommer son sirop puis retourne au casino draguer des femmes et perdre son argent aux jeux. Il retrouve quelques mois plus tard le producteur, sobre cette fois. Il constate que Bangladesh a supprimé le refrain de base pour y faire chanter sa nièce. Guwop s’en fout. Il finit le morceau sans la moindre goutte de lean et parvient quand même à reproduire le même ton éméché de la première session. « Lemonade » est terminé, le reste appartient à l’histoire.

Phrase marquante : « I’m pimping, wearing linen, that’s just how I’m chillin/ I’m smoking grits and selling chickens, Corvette painted lemon »

4 – « Actavis » – World War 3 Lean (2013) 

Production : Honorable C.N.O.T.E 

Peut être que la version originelle d’« Actavis » avait été enregistrée à la vitesse normale. Sauf qu’au moment de sauvegarder le morceau, Gucci Mane qui se tenait au-dessus de l’ordinateur et de la table de mix, ébranla son calice en styrofoam sur les appareils. Ces derniers disjonctèrent dans un feu d’artifice d’étincelles. Quand ils parvinrent à extraire le morceau, ils constatèrent que les BPM du morceau avaient chuté par magie. Les couplets de Peewee Longway et Gucci Mane devinrent élastiques ; le sample de « At Your Best (You Are Love) » d’Aaliyah prit la texture sirupeuse de l’écoulement du flacon dans la bouteille de soda. C’est ici d’une expérience sensorielle qu’il s’agit, étirant le temps à la manière des mixs de DJ Screw.

Avec ce morceau devenu culte, Gucci invite à expérimenter son niveau de défonce. « Actavis » est un trip psychédélique auditif où Guwop, mis au ralenti, explique ses plus mémorables voyages fiévreux. Le rappeur et les travaux d’orfèvre de Honorable C. N.O.T.E. réalisent l’exploit de nous faire ressentir la pesante léthargie de la « boue » sans avoir besoin de la consommer.

Phrase marquante : « Got her smoking on that good weed lean on a Swisher Sweet/ I’d rather have a C.N.O.T.E. than a Swiss Beat »

3 – « AAAA » feat OJ Da JuicemanEA Sportcenter (2008) 

Production : Zaytoven    

Ce morceau dit peut être quelque chose aux fans de OJ Da Juiceman. C’est normal, c’est le même qu’un certain « Make Tha Trap Say Aye » sorti en 2009. Mais en réalité, il était déjà sur la mixtape EA SportsCenter (EA pour East Atlanta), dévoilé un an auparavant sous le nom de « AAA ». Peut être l’un des meilleurs refrains de l’histoire de la trap, le fameux ad lib « Aye» de OJ montre que c’est dans les formules les plus simples que la magie opère. Comme l’épicier au coin de la rue, ce dernier explique vendre petites et grandes quantités, de bonne ou médiocre qualité. Bref, OJ vend de tout et pour tout le monde. Même si il est sous la surveillance de la police fédérale, il continue de se balader dans la rue avec son 4X4 Chevrolet dont la couleur de la carrosserie et du cuir de ses sièges lui rappellent le maillot des Lakers. Quant à Gucci, lui y va d’un couplet entremêlé d’égo trip et d’un quotidien peu glorieux. Le matin, il vend aux junkies les pilules cachés dans le sèche linge, le midi il recompte ses billets, et le soir, il se rend au concessionnaire pour ajouter une nouvelle corvette rouge à sa collection. 

Phrase marquante : « I sacked an ounce up before I sold a record/ He want a brick, I told him,  »Meet me by the checker’s » »

2 – « Vette Pass By »/« Kick A Door » – No Pad No Pencil (2007) 

Production : FATBOI    

Quand Gucci Mane est en studio, il enregistre comme à l’usine. Il décide d’ailleurs d’appeler son studio la Brick Factory tant il met un point d’honneur à la productivité. Il presse ses producteurs à composer en seulement 15-20 minutes une instrumentale pendant que lui gribouille son carnet de note. Généralement, il enregistre en une seule prise et en moins temps qu’il a fallu pour composer la prod. Un de ces soirs habituels où le studio est noyé dans la fumée de ses joints, Guwop décide de poser un morceau et un freestyle sur une prod de FATBOI. Les deux sortent et deviennent rapidement des hits. Dans « Vette Pass By » avec OJ Da Juiceman, Guwop imite le bruit que fait sa corvette quand elle traverse l’air à toute vitesse : « Woosh ». Il porte encore sa chaine Bart, au point que l’on se demande si elle n’est pas devenue une amie imaginaire. Autour de lui, des voitures se penchent d’un côté à l’autre avec leur suspension. Le conducteur en devient un cavalier acrobate se penchant sur le flanc de son étalon dans une démonstration de voltige.

Si cette version est déjà culte en elle-même, il ne faut pas passer à côté du freestyle « Kick A Door » dans lequel Gucci, torse nu et transpirant, se trémousse au milieu de sa traphouse. Cette chanson, plus spontanée, est un rappel pour ses détracteurs qu’en cas d’embrouille, il connaît suffisamment de monde pour faire la sale besogne pour lui : « Pistol to his head/ Piss running down his legs ». Bref quand Gucci s’ennuie, il fait d’une seule prod deux hits en toute décontraction.

Phrase marquante : « Vette pass by, everybody looking/ Six stoves in the house and everybody cooking/ Wrist like,  »Blaow », Chain like  »Ow »/ We throw it in the air to watch it come down »

1 – « My Kitchen »  – No Pad No Pencil (2007) 

Production : FATBOI    

En 2007, internet est noyé par les videos mises en ligne par Hood Affairs TV, l’archiviste en ligne de la vie de Gucci. On pense notamment au mythique freestyle devant sa Traphouse où son bandana rouge lui recouvre le crâne pendant qu’il débite. Sur son estomac repose toujours son bling bling Simpson qu’il ne lâche jamais. On y voit des têtes familières, comme OJ Da Juiceman ou encore Dg Yola rapper, avec lui. Shawty Lo et le jeune et encore méconnu Waka Flocka, caché derrière ses locks, s’ambiancent  sur les couplets de leurs amis.

Sur « My Kitchen », clip sorti en 2007 sur un Smack DVD, on retrouve cette même énergie brute. On y aperçoit Guwop beugler en zozotant à cause de ses grillz et brandir sa chaine devant la caméra. Devant sa Maybach blanche, Gucci semble habité, les flow sont acérés comme jamais sur les violons joué en staccato. L’ambiance ésotérique est asphyxiante. Un Gucci XXL donc, version baron de la drogue prêt à appuyer sur la gâchette de son flingue dans un coup de folie imprévisible. En même temps qu’il indique servir de la drogue à travers toute les analogies possibles et inimaginables, le rappeur exécute une version des plus raffinées de sa trap. Il faut se faire à l’idée, Gucci a la meilleure dope, les meilleurs chaînes, les plus belles femmes et les meilleurs couplets. Burrr !

Phrase marquante : « Zone 6 chips, Bouldercrest beer/ Zone 6 rims and Bouldercrest gems/ 30 inches got me looking down on them/ And I’m high, it’s so lonely up here »

Un top rédigé par Victor.

(crédit visuel bannière : @O1110110.01101001.01101111 & gribouille2969)

Les visuels seront disponibles en posters sur Lemon Pepper Wings.

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