LOE SHIMMY : LA FLORIDE A TROUVÉ SA VOIX

La Floride, cette terre aux allures de paradis pour une grande partie des citoyens du monde que nous sommes. Miami et son image luxueuse habilement renvoyée dans les quatre coins de la planète, Orlando et ses innombrables parcs d’attractions faisant rêver chaque année des millions de personnes… Seulement la partie visible de l’iceberg finalement car oui, comme presque partout, cette région des USA possède sa forte part d’inégalités sociales, de sécurité et évidemment de richesse. Une évidence qui ne l’est pas forcément pour tous étant donné le « potentiel carte postale » dont disposent de très nombreux coins de la Floride. Dans notre cas, on va s’intéresser à la ville de Pompano Beach qui est rattachée au comté de Broward, une zone déjà moins aguicheuse que la scintillante Miami. Un exemple justement parfait puisqu’il représente presque à la perfection le contraste de l’état floridien. Je vous laisse le loisir de taper « Pompano Beach » sur Google et de faire défiler les photos. Spoiler alert : vous réfléchirez instantanément à votre prochaine destination de vacances tant les paysages nous laissent rêveurs. Maintenant, revenons à la réalité : Pompano Beach possède aussi un taux de criminalité très nettement supérieur à la moyenne du pays (bien que ce genre de « classement » sera toujours biaisé par les bassins de population et les tailles des villes). Un constat qui n’empêche pas la ville de voir passer un afflux de touristes non négligeable chaque année pendant que les habitants de certains coins défavorisés se retrouvent livrés à eux mêmes. Ces quartiers en particulier ont vu naître et grandir des rappeurs bien connus du public aujourd’hui à l’image de l’immense Kodak Black ou encore Jackboy et bien d’autres membres du Sniper Gang. Bilan franchement flatteur pour une ville qui compte seulement un peu plus de 100 000 habitants. Il se pourrait pourtant que ce phénomène continue de s’amplifier puisque nous allons nous intéresser dans cet article au dernier prodige local qui pourrait rapidement devenir un des noms en vogue du rap américain.

(Visuel par @saintrecords)

Si je vous parle d’un dénommé Ernst Jean Jacques, cela ne vous dit probablement rien et c’est tout à fait normal, puisqu’il s’agit du véritable nom de LOE Shimmy. Pourquoi d’ailleurs ce nom de scène ? L’explication est assez simple : LOE fait référence à « Loyalty Over Everything », une valeur très importante pour lui comme on le verra par la suite, tandis que Shimmy s’avère juste être un surnom qui lui avait été attribué au lycée. Honnêtement, les informations à notre disposition concernant l’artiste ne sont pas légion du fait de sa discrétion mais aussi de sa modestie assez remarquable. Dans les rares interviews qu’il a déjà accordé pour des médias tels que Dirty Glove Bastard ou encore Mix-One Essentials, le rappeur évoque une jeunesse compliquée dans les tranchées et la pauvreté sans pour autant se lamenter sur son sort. C’est en réalité pour le sport qu’il se passionne très vite et notamment le football américain qu’il pratiquera une grande partie de son adolescence. Malheureusement, c’est de façon logique que la réalité de la rue le rattrapera et lui fera même abandonner l’école. Plongé très tôt au plein coeur des tranchées de sa ville, loin de tous cadres sains et structurés, les perspectives qui s’offrent à Ernst ne sont évidemment pas de très bonne augure pour la suite. Le rap commencera à prendre une petite place dans sa vie de façon un peu hasardeuse il y a environs dix ans de cela, notamment par le biais de ses fréquentations. Rien de très sérieux à l’époque néanmoins, il s’agissait plutôt d’un loisir lui permettant de combler un minimum des journées probablement tristement répétitives. Sur le plan des influences, le floridien se construit progressivement en écoutant en boucle des noms majeurs tels que Future, Lil Durk ou encore Boosie.

Au fil des années, LOE Shimmy finit fort logiquement par s’améliorer et commence surtout à se créer une petite notoriété locale. Début 2020, il dévoile le titre « Relapse » qui sera selon lui le premier tournant de sa carrière. Le rappeur saisit dès lors qu’il a le potentiel pour attirer une audience considérable tout en sortant de la musique de qualité. Il va surtout faire preuve d’intelligence en s’entourant d’une équipe polyvalente et avant tout de confiance, aussi bien à la caméra qu’à la production en passant par l’ingénierie du son, avec des noms tels que Vince Made The Beat et 808 Nate. Cette notion de collectif est tout simplement vitale pour le natif de Pompano Beach, il déclare lui-même qu’il n’aurait rien pu enclencher sans eux et que son fameux flow si atypique ne serait peut-être jamais venu au monde. La petite bande comprend que le moment de lancer les hostilités est venu et dévoile le premier EP de LOE Shimmy en avril 2020, intitulé Zombie Land. Le projet est plutôt intéressant mais ne laisse pas présager pour autant du succès que le rappeur finira par connaître. On y découvre un artiste au flow terriblement nonchalant, à l’image de 97% de l’underground aujourd’hui, mais avec déjà une certaine capacité à apporter une vraie touche mélodique à son rap de par ses qualités de chant. Mais hors de question pour Ernst de laisser mourir de faim ses premiers auditeurs puisqu’il dévoile la même année son deuxième EP, World WAR Z. On le retrouve dans la même dynamique que sur son précédent projet, avec peut-être plus d’aisance à alterner chant et rap pour créer une ambiance assez attrayante, à l’image du très bon titre « Payback » et ses succulentes petites touches jazzy glissées dans la production.

La musique étant maintenant devenue l’activité majeure de LOE Shimmy, avec en prime une fanbase naissante, le temps du long format était venu. Chose qu’il s’empressera de faire dès 2021 avec la mixtape Zuper PowerZ, un projet de douze titres qui est venu pleinement confirmer les belles choses entrevues sur les deux premiers EPs. Le disque regorge de titres sublimés par l’aspect psychédélique apporté par la voix nonchalante du rappeur, certainement accentuée par l’impact d’une très solide consommation de drogues. On retient notamment les bangers « Way Up », « Slide » ou encore « Shimmy Vs Shim » et son concept intéressant d’alter ego entre le chanteur et le rappeur. On peut quand même souligner l’intérêt moindre du floridien pour son contenu lyrical, qui se cantonne à des sujets assez classiques comme le quotidien dans les tranchées, la drogue, les femmes… Mais peut-on vraiment reprocher à un artiste de peindre sa réalité ? Du moins, il existe différentes manières de le faire et c’est par le biais du flow que notre rappeur a su se détacher. En net progrès de notoriété, Shimmy reste encore un phénomène local bien que les bases soient désormais solidement plantées.

C’est en 2022 que Loe Shimmy va réaliser un véritable tour de force en parvenant à dépasser les frontières de la Floride tout en maintenant une cadence remarquable. Il dévoile déjà son deuxième long format intitulé Z End, un projet qui vient définitivement affirmer la direction artistique du natif de Pompano Beach avec des mélodies très marquantes à chaque titre grâce à sa voix si spéciale. On retrouve dans cette tape le morceau « Tina » qui deviendra à sa sortie le plus gros hit de la jeune carrière de Shimmy. Ce dernier excelle toujours autant quand il s’agit de faire planer l’auditeur sur des merveilles de production à l’image des tracks « Free Payback » et « Maniac ». Suite à cela, l’événement attendu par beaucoup vit enfin le jour : la collaboration avec Kodak Black sur le titre « Bounty ». Un symbole très fort étant donné que les deux sont issus de la même ville, tout en sachant le statut dont bénéficie Kodak en Floride. C’est sans surprise que ce clip sera le premier de Shimmy à dépasser le million de vues, de quoi pouvoir être définitivement identifié à travers tout l’Etat.

Plus que jamais établi localement suite à son dernier projet, LOE Shimmy va intelligemment procéder à l’une des méthodes les plus en vogue pour faire grimper sa notoriété : sortir simplement des singles à intervalles très réguliers. Le rappeur va rentrer dans un run infernal avec des bangers qui connaissent tous un certains succès tels que « Not The Same », « On The Run » ou encore le très efficace « Playboi Carti ». C’est finalement à la toute fin de l’année 2022 que son acharnement se voit récompenser avec le tout premier hit solo du floridien intitulé « Fallin ». Un morceau qui représente tout simplement ce que peut faire de mieux Shimmy au point même d’obtenir un cosign de Drake avec un partage en story. Un coup de pouce de la superstar de Toronto aide forcément à accélérer les choses et c’est sans surprise que le single devient le morceau le plus streamé sur les plateformes et le plus regardé sur YouTube de notre phénomène.

Depuis, c’est sans surprise que Loe Shimmy carbure au maximum cette année avec une moyenne proche de un single + clip par mois. Certains ont forcément déjà particulièrement attiré notre attention, comme « Can’t Blame Em » et « Safe Route ». L’artiste a définitivement trouvé sa vibe en faisant de sa voix l’atout essentiel de sa musique. Rares sont les auditeurs qui restent indifférents à l’écoute de sa musique. On serait bien tenté de lui assurer un avenir radieux et un succès mondial, mais on ne vous apprendra rien en disant que la certitude n’a pas sa place dans l’industrie musicale. Il semblerait de plus que le rappeur soit déterminé à maintenir la recette qui l’a mené jusqu’où il en est aujourd’hui, à savoir garder son entourage proche pour l’épauler dans sa carrière et donc ne pas se précipiter dans un label puissant avec un deal juteux au bout. Il s’agit d’ailleurs d’un sujet abordé plusieurs fois au sein de sa jeune discographie :

« Aint tryna sign no deal, bitch
Been grindin’ all my life this shit came perfect timin’ (came perfect timin’)
They think I’m ballin, labels callin’ they want sign him (they want sign him) »

Le prochain projet de Loe Shimmy marquera à coup sûr un tournant dans sa carrière. L’artiste a déjà expliqué prendre son temps car sa notoriété croissante lui donne accès à de plus en plus de possibilités. Il a notamment annoncé les présences de NoCap et Veeze parmi les guests. En attendant, le floridien nous fait habilement patienter avec des singles réguliers et des apparitions remarquées, à l’image de sa très bonne performance sur le dernier album de Kodak Black avec le titre « Get Away ». Alors, oui, la Floride regorge actuellement de phénomènes, dont notamment l’inévitable Luh Tyler (qui avait déjà eu le droit à sa présentation chez nous), mais ne soyez pas surpris si le premier à atteindre les sommets s’avère être le brillant LOE Shimmy…

Article écrit pas Eddy.

(Crédit visuel bannière : @Saintrecords)

Laisser un commentaire